Voilà, ça m'a pris ce matin à 4h30 pétantes, l'envie de me jeter sur ce roman qui attendait depuis une semaine sur la table du salon, qui attendait que j'eusse fini le"Lutetia". Or je n'ai pas fini le "Lutetia" mais j'avais envie de ce roman à l'instant du 4h30 du matin. Comme un adultère-livre, j'avais envie de coucher avec un autre, tromper celui du moment, envie de m'éloigner de l'ennui, de l'attendu, oui de la routine littéraire...
Je l'ai dévoré...je l'ai trouvé intense, violent, sec, sanguinolent, brutal, bref quelque chose qui relève de l'extrême, et dans l'histoire, et dans la manière de l'écrire, étonnament bien écrit. Un roman sur la guerre du Vietnam, celle coloniale. Des hommes et des femmes, qui vivent à la limite de l'inhumanité. L'humanité qui reste est dans la relation de Jean-Pôl, et le o circonflexe est important, avec une jeune fille, ennemie, emprisonnée, torturée, celle qui est appelée la "môme caoutchouc", et là encore le o circonflexe sur la môme sert à relier un sentiment commun avec Jean-Pôl. Extrait tragique :
"- Tu as trahi, Jean Pôl...La bridée est morte....ça fait plus de huit jours que tu baises son cadavre...Tu es un vrai malade, l'armée n'a que faire de malades. Il lui faut des hommes responsables.
J'ai jeté un oeil sur la jeune Indochinoise. J'ai distingué la peau grise, les plaies-chrysanthèmes, le sang séché et le sperme qui luisait encore comme un phare dans la nuit.
Elle était posée dans un coin de la cave, les jambes et les bras offerts et pliés, comme une môme caoutchouc."
Franca Maï a aussi écrit "Momo qui kills", affaire à suivre.
"Jean-Pôl et la môme caoutchouc" de Franca Maï, édition du Cherche midi, 120 pages sans mots superflus (il y a un mot dont je ne connais pas le sens exact : valétudinaire, pour parler de la "blancheur valétudinaire" d'un visage), 11 euros.